LE PHARE DE SAINT-MATHIEU
Sur le promontoire de Saint Mathieu ne se dressent pas seulement les ruines d’une abbaye, mais aussi un phare et un sémaphore moderne. Dans ce chapitre,intéressons nous au phare. |
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La cohabitation entre les ruines de l’abbaye et ce phare moderne étonnent plus d’un visiteur qui voient dans l’érection de ce dernier comme une verrue, voire une pollution visuelle du site : la pointe extrême de notre Pen-ar-Bed. Certains avaient même avancé l’idée, dans le cadre d'une restauration de l'abbaye, de démonter le phare pour aller le replanter plus loin. Hérésie pour qui se penche, un tant soit peu sur l'histoire de l'établissement monastique de Saint-Mathieu de Fineterre. |
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Quand on se promène sur le site, on ne peut qu’imaginer que « de tout temps » il y eu un feu destiné aux navires croisant dans ces eaux particulièrement dangereuses. Mais il fallut attendre la fin du XVIIe siècle pour qu'on se préoccupe un peu plus sérieusement des conditions de navigation en Bretagne occidentale et de l'accès à la nouvelle base navale de Brest.
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Le19 novembre 1691, M. des Grassières, inspecteur général de la Marine en Bretagne, proposa la construction d’un feu sur le clocher de l’abbaye par la réalisation d’une voûte portant foyer pour charbon de terre. Ce projet fut accepté et achevé en septembre 1692. Afin de parfaire le balisage un autre feu sera inauguré en 1699, au Stiff, à Ouessant.
Tout cela est bien beau, mais l’entretien d’un feu coûte cher. Pour des raisons d'économie, le feu de Saint-Mathieu destiné aux vaisseaux du roi, n'est allumé que par les nuits très noires d'automne et d'hiver ou ces derniers sont de sortie. De plus, le feu de charbon ainsi allumé, peu efficace, risque d'embraser l'abbaye.
En décembre 1695, on décide de le remplacer par une lanterne vitrée renfermant quinze lampions de cuivre placés sur trois rangées superposées. Mais la aussi il y avait des inconvénients : 1) dès que le niveau d'huile baissait, la lumière était renvoyée vers le ciel par le cuivre des lampions 2) on utilisait de l'huile de poisson non épurée, dont les vapeurs encrassaient les vitres et réduisaient la portée du phare.
Par ailleurs, Tourville se plaint que le phare ne soit pas régulièrement allumé. Les religieux proposent leurs services en échange du droit de bris, et sont chargés d'allumer le fanal à partir du 1er janvier 1694.
Le 15 mai 1696, les moines demandèrent 100 livres par an pour les gages de l'homme occupé à allumer, mouscher de nuit et esteindre le matin les lampes, qui ne peut sans le secours de deux hommes nettoyer proprement deux fois la semaine les vitres du fanal avec de l'eau claire et chaude et oter la crasse qui sy attasche par la quantité de fumée.
En 1701, la Marine récupère le phare et loue une maison pour installer un gardien. Mais le manque de crédits et l'éloignement de la maison du gardien firent que l'obligation d'allumage minimale ne fut guère respectée.
En mars 1750, un fort coup de vent démolit la lanterne et l'intendant de la Marine fit remettre en place et renforcer l'édifice par une armature métallique. A cette époque, le feu aurait pu être vu à deux lieues si sa clarté n’attirait les oiseaux de mer qui venaient s'y écraser et briser les carreaux à tel point qu'on dut les protéger en posant un grillage qui absorbait une grande partie de la lumière.
En 1771, le lieutenant général des armées navales « comte d'Estaing » fit réaliser une série de modifications. On remplaça les petits carreaux par de grandes glaces en verre de Bohême et les lampions par des lampes à double mèche alimentées par un mélange d'huile de poisson et d'huile de colza. La puissance de réflexion était renforcée par des réflecteurs en métal poli. Le feu de ce nouveau phare pouvait être vu jusqu'à 30 km. marquant ainsi une sensible amélioration de son ancienne puissance.
Le phare fut épargné lors la vente des biens nationaux, alors que le reste des bâtiments, vendu le 6 thermidor an IV à M. Budoc du Conquet, était livré au pic des démolisseurs. Ceci explique la conservation actuelle des ruines. En effet , la tour, réserve importante de pierre ne put être démolie.
En 1820, le feu de Saint-Mathieu fut équipé d'une installation pour feu tournant avec 8 réflecteurs Lenoir et des lampes d'Argand, qui en accroissaient la portée. Mais restait le problème de la hauteur insuffisante de l'ensemble.
L'état de la tour de l'ancienne abbaye était pitoyable. On décida alors de construire un nouveau phare. Les travaux furent achevés en juillet 1835. Le nouveau phare est réalisé sur un fût de 3,2 m. de diamètre intérieur et de 36 m. de hauteur, dont la base est entourée d'une construction circulaire, contenant les magasins et les chambres des gardiens ( un peu le plan de la maison de Radio-France à Paris).
Un escalier intérieur, en granit de l'Aber-Ildut, mène au feu tournant à 16 demi-lentilles placé à 55 m. au-dessus du niveau de la mer et protégé par des glaces de 81 cm de côté et de 9 mm d'épaisseur. Ce feu à éclipses de 30 secondes en 30 secondes fonctionna d'abord à l'huile de colza, puis au pétrole avant d'être électrifié à la fin du siècle dernier. Vers 1860, sa portée est de 35 km.
Aligné sur celui de Kermorvan il donne la direction du chenal du Four, que suivent les navires venant du Nord vers la rade de Brest, tandis que son alignement avec le phare du Portzic donne la route à suivre pour entrer dans l'Iroise et le goulet de Brest.
Le phare de Saint-Mathieu, qui se dresse sur sa falaise extrême, a donc bien sa place aux côtés de l’abbaye.